Monologues, Dialogues et Trios avec piano

Dimanche 8 juin 2025 – 17h00

Pascal Mantin, piano
Cyril Garac, violon
Bertrand Malmasson, violoncelle

Musique de chambre
Du Printemps à l’Automne, le temps des floraisons… promenade en trio avec piano.

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Un trio associant très classiquement le piano, le violon et le violoncelle peut se décliner sous des formes diverses, comme le montre bien le concert de ce soir, au cours duquel alterneront des pages brèves, pleines de charme, et d’autres plus développées et ambitieuses, où les compositeurs ont atteint les sommets de leur art et de leur expression.
On peut d’abord jouer…en trio.

Le Trio en si bémol majeur, op.99 de Franz Schubert (1797-1828), composé en 1827, est l’un des chefs d’œuvre absolus du trio romantique. C’est une œuvre de vastes dimensions, dont nous entendrons le mouvement lent (Andante un poco mosso : allant et un peu animé) dont le thème principal est une magnifique mélodie de caractère rêveur, successivement présenté au violoncelle, puis au violon et enfin au piano. Un épisode médian, plus haletant et tourmenté, vient briser cette atmosphère élégiaque. La traditionnelle reprise est variée, c’est-à-dire que le premier épisode reparaît, à la fois semblable et différent, et d‘une couleur toujours mystérieuse.

On peut aussi jouer en duo. En 1783, Mozart « dépanna » son ami Michael Haydn (le frère de Joseph) qui, malade, n’avait pu achever un ensemble de duos pour violon et alto commandés par l’archevêque de Salzbourg. Ces deux duos sont des chefs d’œuvre, en dépit de la rapidité de leur conception (deux jours pour près de 40 minutes e musique !) et leur simplicité formelle. Nous entendrons l’Adagio et le Rondeau du Duo en sol majeur (K.423), transcrits pour violon et violoncelle. L’Adagio est très caractéristique du don mélodique mozartien, avec sa belle cantilène énoncée par le violon et reprise par le violoncelle. Le Rondeau (Mozart emploie l’orthographe française et non italienne, pour souligner l’aspect galant du morceau), avec son alternance de couplets et de refrains. Mais au-delà de cette galanterie à la mode française, la pièce est écrite avec une grande science, mais l’auditeur en remarque surtout le charme et la fraîcheur.

A l’époque de Mozart, la sonate pour piano et violon était souvent une sorte de sonate pour piano où le violon ne jouait que des reprises de thème ou des contrechants. Dès ses premières sonates pour cet effectif, Ludwig van Beethoven (1770-1827) donne une égale importance aux deux instruments. Sa Sonate pour piano et violon n°5 en fa majeur, op.24 (1801) a été surnommée « Le Printemps » , en raison de l’inspiration rayonnante de son premier mouvement, et tout spécialement du première thème, qui déroule un long ruban fluide et mélodieux (le second est plus cursif et énergique).

Alors que la plupart des trios romantiques sont en quatre mouvements, Antonin Dvorak (1841-1904) a innové dans son Trio n°4 en mi mineur, op.90 (1891), qui comprend six « Dumky ». La Dumka (singulier de Dumky) est une pièce intrinsèquement liée à la culture tchèque. De forme libre et variable dans le caractère d’une ballade légendaire mais empruntant parfois des traits stylistiques à la musique populaire, elle se refuse à toute contrainte « académique ». La Dumka n°2, que nous entendrons, oppose une introduction d’humeur sombre et une danse très vive menée par le violon sur un accompagnement rythmé de ses partenaires.

Le Cygne de Camille Saint-Saëns, avant-dernier chapitre du Carnaval des animaux est un morceau discrètement parodique de tant de belles pages romantiques. Sur un accompagnement clapotant du piano, le violoncelle déploie une belle mélopée presque trop sentimentale pour évoquer l’oiseau glissant sur l’eau.

Frédéric Chopin (1810-1849) a composé de nombreuses Valses et Nocturnes. Les Valses ne sont pas vraiment des pièces à danser mais des morceaux romantiques et parfois brillants. Dans la brévissime Valse inédite en la mineur, tout l’esprit des salons 1830 se trouve contenu. Les Nocturnes sont au contraire des pages plus intérieures, émouvantes, parfois inspirées par les cantilènes et les ornements des airs d’opéras de l’époque, notamment ceux de Bellini. Cette influence est particulièrement évidente dans le Nocturne en fa majeur, op.15 n°1 (1830).

Et pour finir, retour à Schubert avec le second mouvement (Andante con moto= allant avec du mouvement) du Trio en mi bémol majeur, op.100, composé quelques mois après le Trio op.99. Ce mouvement relativement lent a connu une immense célébrité lorsque Stanley Kubrick l’utilisa dans son film Barry Lyndon. Il débute de façon particulièrement originale, par des accords saccadés et répétitifs du piano sur lesquels vient se poser une mélodie intensément lyrique. Après un assez long épisode désolé, le climat change et l’on passe à des affirmations plus énergiques, sur un nouveau thème. Tout le mouvement est construit sur cette alternance de l’énergie et de la dépression.
L’épisode central, comme souvent dans les dernières œuvres de Schubert expose des climats très mouvants avec de nombreuses modulations. Le mouvement s’achève dans une ambiance incertaine, comme si le thème initial restait en suspens…

Jacques Bonnaure, ex-professeur agrégé de lettres, critique musical.
Ancien collaborateur à La Lettre du musicien, Opéra Magazine et Classica.

Crédit photographique
Stefano Candito (Cyril Garac)